jeudi 23 août 2012

Comment dire ?

Après avoir travaillé pendant plus de 15 ans dans divers postes dans les Ressources Humaines, dans des entreprises à tailles diverses (de quelques milliers à près de 100 000), pour lesquelles je me suis occupé de recrutement, de formation, de Développement des Compétences et même de Développement des Ressources humaines, c'est-à-dire d'aider les salariés à développer leurs connaissances, leur maîtrise de leur travail, certes pour le plus grand bien de la rentabilité de l'entreprise - mais bah, du moment que l'on développe ses connaissances, ce n'est jamais perdu et l'entreprise est un milieu tellement acculturant n'est-ce pas avec son verbiage anglicisant, ses acronymes, tout ça tout ça - bref, pendant toutes années à tenter de convaincre les décideurs (ceux qui paient) que l'on peut traiter SES (?) salariés comme autrui, je me suis rendu compte que j'étais du côté obscur de la force. Nulle complainte ici, je savais où j'étais, ce que j'y faisais, gagnait très correctement ma vie et tentais d'agir comme un virus en essayant de convaincre qu'en payant mieux, formant mieux et considérant mieux autrui on allait pas forcément perdre de la rentabilité (du fric) ou de la performance (des parts de marché, du fric)... tout ceci n'a duré que le temps où le marché du travail était en faveur des salariés.
Le "marché" s'est retourné comme on dit, et là... Exit les Jedi et welcome back les chiffres servis par les nervis des cabinets d'audit fi !
Pendant ce temps je grimpais les échelons et touchait de plus près les décideurs mais là finie la petite musique, bienvenue la nuit.
Après avoir oeuvré encore quelque temps, j'ai eu aussi ma part de chômage avec fin de droits et allocations à 400 euros, bien fait, j'étais trop chien dans un jeu de quilles pour que ça dure, un peu de chômage ça remet les idées et l'ego en place.
Toujours lucide mais pas plus désespéré, j'ai eu la chance de passer à autre chose et à pouvoir me servir de mes quelques connaissances pour tenter de les transmettre (je sais, l'expérience ne se transmet pas) à ceux qui en ont le plus besoin, les chômeurs longue durée, ceux à qui tout le monde pense.
La preuve que tout le monde pense à eux ?
Les années d'étude qui s'allongent avec des "Tanguy" à la maison, c'est quoi sinon la peur du chômage ?
Les êtres abrutis de travail et sans illusion qui acceptent presque tout puisque les traites à payer, c'est quoi sinon la peur du chômage ?
Les chiffres serinés à longueur d'antenne qui nous montrent l'écart se creusant entre les plus riches et les plus pauvres sans susciter plus de révolte, c'est quoi sinon la peur du chômage ?
Les discours "clivants" (je suis curieux de savoir combien de temps ce mot valise va rester à la mode) entre ceux qui travaillent et ceux qui sont assistés, c'est quoi sinon la peur du chômage ?
Au total, cela fait un gros paquet de monde réunit autour d'une même peur, ne trouvez-vous pas ?
Ce qui est pratique avec la peur, c'est que l'on peut la voir sous deux aspects : celle qui tétanise ou celle qui fait réagir, comme le stress quoi.
Le tout est de savoir si on veut être un lapin dans les phares d'une voiture ou si on veut être un homo-sapiens qui réagit devant le tigre à dents de sabre.
L'intérêt de mon témoignage ?
A chacun de voir mais aujourd'hui, je constate que nous sommes un pays riche, très riche, que des dispositifs, des associations, des administrations, des sociétés spécialisées dans le coaching, l'outplacement, le remodeling (ne riez pas c'est sérieux et moderne puisque c'est en anglais) opèrent tous azimuts et... ben plouf ! Raté ! 
Le taux de chômage augmente, toutes catégories confondues (record cependant pour les plus de 60 ans, ben oui, l'allongement de la retraite, ça sert bien à faire durer le chômage en RSA plutôt qu'une retraite taux plein hors de prix, non ?).
Tous ces éléments concourent à maintenir une pression sur les salaires (ben oui un chinois ça gagne 2,5€ par jour tandis qu'on est à 9,40€ de l'heure donc il faut bien baisser tout ça pour être compétitif face aux chinois, non ?), et à tabasser les esprits à coup de logique financière et surtout qu'on y peut rien, c'est mondial on vous dit !
Est-ce tout ce que nous désirons, valons, voulons, pouvons ?
Pas plus que toutes le petites fourmis de Pôle Emploi, des PLIE, des assocs et tous ces collègues je ne lâche la rampe... Mais comment dire ?
Réveillez-vous !

Anonyme